Junior Individual

David Ingham, aged 15

Year 10, Ysgol Gyfun Gŵyr

Résister à l’anglais

J’eus renversé du milkshake sur le piano.

« Drat! Fi ’di spill-io milcshêc dros y piano! » m’exclamai-je.

Une paire d'yeux perçants se tourna vers moi. Je baissai la tête de honte et je répétai ce que j'aurais dû dire : « Yr wyf wedi gollwng ysgytlaeth dros y berdoneg ». Je réprimai un rire. (Le gallois ‘pur’ est presque comique, vous voyez.)

Je me souvins d’un poème que nous étudiâmes en cours de gallois l'autre jour. Le poète nous compara aux algues di-asgwrn-cefn : emportées à nouveau par la marée implacable, ayant fait de la langue du ciel une autre sale langue saxonne. Mon professeur de gallois croit que c'est un message puissant. Mais moi, j'aime beaucoup les algues.

Les Français ont aussi peur que nous les Gallois, me dit mon professeur de français. « La langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France ». (Comme c'est drôle qu'ils ressentissent le besoin de le faire loi !) L’objectif du gouvernement est d’empêcher l’adultération du français, ce qui – grâce à la domination de l’anglophonie dans les domaines de la science, de la technologie, de la musique, et du cinéma – semble créer un « sabir atlantique, [une] variété newlook du franglais », ou les mots « surbooké », « cool », et « buzz » font partie du vocabulaire de base. Mais selon moi, ils mènent une bataille perdue, comme « the Titanic-with-the-piano-still-tinkling adrift on a sea of global competition ». À quoi sert un site Web désuet par une organisation désuète pour persuader les Français d'utiliser « courriel », non pas « e-mail » ? (Certes, ils réussirent à convaincre 15% de la population jusqu'au présent.)

Alors que je nettoyais le milkshake renversé, je me demandai : « À quoi bon atteindre un million de locuteurs en langue galloise d'ici 2050 (dont nous sommes tous responsables, nous disent les professeurs) si ce million de personnes parlent une langue statique ? » Une langue statique est une langue morte, car tout le monde a tellement peur de la parler de manière erronée.

Le professeur qui me jugea si férocement pour mon Wenglish – pour ajouter « -io » à un verbe anglais et pour penser que je pourrais me permettre de cymriciser l'orthographe de « milkshake » – me rappela Henri Estienne, un érudit du XVIe siècle. (Cette lutte semble avoir duré un bon moment.) Estienne était un homme en colère, tellement en colère qu'il écrivit un livre (en fait, beaucoup de livres) dans le seul but de critiquer les italianismes utilisés par les courtisans de l’époque. « Je m’esbahi comment vous imbattrez votre langue d’une telle spurquesse de paroles », satirise-t-il, en utilisant deux tels italianismes : l’un du verbe imbrattare (« diffamer ») et l’autre de sporcizia (« saleté »). Il chercha à démontrer la « précellence » du français par rapport à ses voisins romans, affirmant qu’elle « méritoit de tenir le second lieu entre tous les langages qui ont jamais esté [après le grec ancien], et le premier entre ceux qui sont aujourdhuy ».

Mais ces idées anciennes de pureté, malgré les efforts d'un groupe particulier de vieillards estimés, sont de plus en plus impopulaires.

Le purisme linguistique accepte tous les mots étrangers qui sont entrés dans une langue pendant son âge d'or (ce qui est tout à fait arbitraire), mais pas les mots qui entrent après elle. Alors c’est une question de politique, pas de langue – si l'anglais est l'oppresseur ou les puristes le sont. Ce qui commença comme une mesure nécessaire pour unir une langue devint une obsession de contrôler l'incontrôlable – un processus passif et inoffensif, l'évolution. L'influence française sur la Russie pendant une période de relations politiques étroites menaça-t-elle le russe ? L'influence arabe sur la péninsule ibérique mit-elle l'espagnol en péril ? Les énormes changements linguistiques apportés à l’anglais grâce à la conquête normande l’empêchèrent-ils d'être une langue vivante ? Simplement, non. Et dans quelques siècles, cette lutte actuelle ne sera pas pertinente, comme celle d'Estienne contre l’italien, et nous serons passés à la suivante.

Du point de vue d'un jeune, entre les mains de qui se trouve le sort d'une langue, et qui ne s'accroche pas au passé, je m’en fiche si ma langue est supérieure ou non ; je suis un citoyen du monde. Je me fiche des néologismes inutilisés, comme « ysgytlaeth » ou « courriel », qui perpétuent une idée élitiste d'un langage ‘correct’ et ‘incorrect’, décourageant les locuteurs actuels et effrayant les futurs. Et je m’en fiche parce que les langues ne disparaissent pas lorsqu'elles sont utilisées. Un puriste n'aime-t-il pas assez sa langue pour la laisser vivre ? 

Alors je me tournai vers ce nouvel Estienne (après avoir mis les serviettes trempées de milkshake dans la poubelle), qui se tenait avec un air d'autosatisfaction, et je dis de manière erronée, fier d'être une algue di-asgwrn-cefn qui peut s'adapter à son environnement actuel : « ’Does ’na ddim point mewn resist-o Saesneg ».

Il ne sert à rien de résister à l'anglais.

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