The French Creative Writing Competition Winner: Sophie Clare
In February 2022, The Cambridge Language Collective was thrilled to launch its first ever creative writing competition for students, which challenged entrants to write an original poem or short piece of prose in French, inspired by the prompt “errer”, to “wander”:
Errer c'est se perdre en prenant des chemins méconnus, se confronter au hasard, oser franchir l’inconnu, mais c’est aussi se laisser prendre par le courant, sans but précis, parfois jusqu’à l’erreur.
After receiving numerous entries of exceptional quality, one entry in particular caught the panels’ eye: it is with pleasure that we announce Sophie Clare’s skillfully-written prose piece « je t’aime jusqu’aux étoiles » as this year’s winner.
The CLC would like to extend our gratitude to all entrants. We very much hope you enjoy reading the winning entry.
« je t’aime jusqu’aux étoiles » - Sophie Clare
Tu m’a dit « errer, c’est être humain », mais après des siècles je n'étais pas sûr d'avoir le droit de me considérer comme humaine non plus. La mortalité, essence clé de l’humanité, étant aussi éloigné de moi depuis si longtemps. Il y a des autres, bien sûr, qui partagent notre longévité. Aucune expérience n’est entièrement unique, autant que l'on puisse souhaiter que ce soit le cas. Je pense que je ne connaîtrai jamais le nombre total des autres comme nous, tout comme je ne connaîtrai jamais vraiment mon âge définitif. Il m'a fallu des décennies pour réunir les moyens nécessaires au voyage en Angleterre, et encore plus pour que mes écrits prennent de l'ampleur. Néanmoins, j'avais ma propre identité : « Marie ai num, si sui de France ». À cause de - non, je dois admettre - grâce à sa nature inépuisable, le chemin de ma vie m'a forcé à errer, à prendre un chemin inconnu et inattendu. La vague constante du temps, amplifiée par une vie immortelle, a menacé à plusieurs reprises de me noyer, submergeant mon humble parcours comme un tsunami. Parfois, le raz-de-marée m'a effectivement poussé à l'erreur, effaçant toute encre, toute marque et toute manifestation de ce que je pensais être… j'ai appris à me laisser porter par le courant.
« T'inquiète pas, c’est agréable ! Ça te tuerait pas de toute façon… »
L'eau était une présence rafraîchissante, soulevant mon corps tandis que je profitais du soleil, des falaises, de la beauté banale et de la magie ordinaire de la nature qui nous entoure. T’as souri, sautant dans l'étreinte salée de la mer avec un cri, ta bikini orange comme un flou contre le ciel azur. Nous faisons tous les deux notre marque sur le monde de la seule manière que nous pouvons, nous savons, nous avons. Nous osons affronter le hasard.
Notre condition ne peut pas vraiment être décrite comme éternelle. Elle est comme beaucoup de choses, comme la langue et les termes et conditions et l'amour et l'humour et le temps - conditionnelle. Nous avons rencontré d'autres personnes, comme nous, qui ont trouvé une mort définitive et irrévocable, qui ne se sont pas remises de cette blessure ou de cette maladie ou qui ont simplement, soudainement, été emportées par la vieillesse, quelques décennies seulement sur des siècles avant que le visage ne devienne méconnaissable et que la vie ne s'éteigne.
Nous rions et tandis que je berce ton visage dans mes mains, je me souviens d'une nuit, quelques décennies après notre première rencontre, où nous avons regardé le ciel dans le désert et où tu m'as montré les constellations. Leurs noms - qui m'étaient alors étrangers, tant dans le concept d'attacher un nom à une chose aussi primordiale, puissante et solitaire qu'une étoile, que dans la langue que tu parlais et que tu daignais m'enseigner - roulaient de ta langue dans le vaste ciel, s'ouvrant comme des possibilités devant nous, chaque pointe de lumière signalant des galaxies entières. Tu m'as dit que mes taches de rousseur étaient mes propres constellations. J'étais peut-être la poétesse, mais notre connexion semble faire jaillir de ton cœur une poésie que je ne pourrais jamais espérer reproduire ou imiter, seulement la capturer directement de ta bouche avec la mienne, seulement pour serrer ta main plus fort alors que nous continuons la marche à travers les dunes. Cette nuit-là, j'ai décidé que je me ferais un devoir d’errer si cela me permettrait de le faire à tes côtés, si peut-être cela me rappelerai du fait d’être humaine, malgré tout - ou plutôt en raison de tout.
En fait, j'ai passé des années à me demander si tu me repousserais si je te prenais la main. J'avais remarqué la façon dont tes yeux m'observaient, à parts égales, méfiants, curieux et gentils, et même si à l'époque nous n'avions pas de langue en commun, même à ce moment-là, nous avons reconnu une sorte de lien profond, comme si mon corps reconnaissait ta présence et se sentait assuré, bien, à sa place ici. Tu m'as dit que tu ressentais la même chose, tu me l'as chuchoté à l'oreille, tu as porté une main à ta poitrine - ton cœur - et une autre à la mienne, alors que nous n'avions pas les mêmes mots pour l'exprimer. C'est toujours le cas aujourd'hui, chaque matin, quand je me réveille dans tes bras. En ce moment même, alors que mes pieds effleurent le sable, je goûte le sel sur ta langue, je passe mes doigts dans tes tresses et je savoure les endroits où ma peau constellée de taches de rousseur rencontre la tienne, où tes doigts s'associent aux rayons du soleil et caressent mes épaules, répandant de la lumière sur ma peau.
Il y a des siècles, tu m'as appris à chasser, à me battre et à me défendre d'une manière nouvelle et différente - nous nous sommes enseignés les uns aux autres nos chemins précédents vers l'agence et la solidarité, en forgeant encore de nouvelles voies. Le monde s'est ouvert à nous, comme ce ciel étoilé dont je me souviens si bien, ou l'océan dans lequel nous nageons ensemble cet été.
Je me suis éloigné du village, du pays et de l'époque d'où je venais - tout comme toi - ils n'existent plus, emportés par la mortalité, l’éventualité, l'histoire. Chaque défi semble plus surmontable à tes côtés, les batailles que nous avons traversées, au sens propre comme au sens figuré, les larmes coulant sur nos visages autant de fois que le sang a piqué nos épées et maculé nos poings... tout me submerge. Les frontières, les régimes et les souvenirs s'écoulent de moi comme la marée, comme le temps qui s’écoule, comme une coulée de ténèbres d'un encrier. Mais avec chaque vie que je vis, j'écris sur le manuscrit, j'ajoute une nouvelle facette à notre palimpseste. Avec toi, je peux errer, et je suis - en quelque sorte, quelque part - humaine.